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Le fédéralisme menacé par le droit international

Xavier Panchaud
La Nation n° 2268 13 décembre 2024

Une contribution de Luc Gonin dans la dernière lettre d’information de l’Institut du fédéralisme, intitulée «Le fédéralisme – l’autre élément essentiel, et menacé, d’un ordre étatique efficace»1, a retenu notre meilleure attention.

L’auteur, de formation juridique, expose d’abord que le fédéralisme est, avec la démocratie semi-directe et les libertés individuelles, l’un des trois piliers centraux de l’ordre constitutionnel suisse. Il souligne que le nom officiel de la Suisse est «Confédération» helvétique bien qu’elle soit un Etat fédéral depuis 1848. Il rappelle également la teneur de l’article 3 de la Constitution fédérale, soit: «Les cantons sont souverains en tant que leur souveraineté n’est pas limitée par la Constitution fédérale et exercent tous les droits qui ne sont pas délégués à la Confédération» et note que la souveraineté est l’attribut d’un «roi».

Luc Gonin considère que le fédéralisme est une victime indirecte de l’internationalisation du droit, laquelle procède de l’internationalisation de l’économie, de la société et des flux migratoires. Ce phénomène est défini comme l’adoption, sur le plan interétatique, de règles normatives spécifiques. Ces dernières sont souvent inscrites dans les conventions et les traités internationaux. Le droit international croît avec la jurisprudence des tribunaux internationaux, comme la Cour internationale de Justice, la Cour de Justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme.

Le juriste mentionne trois aspects du droit international qui appauvrissent le fédéralisme: la nature de ce droit, son expansion matérielle et l’action des tribunaux internationaux.

Il est d’abord rappelé que le droit international est, de par sa nature même, un droit entre Etats – et non pas un droit entre entités fédérées – et qu’il ne s’intéresse donc que peu à celles-ci.

Par ailleurs, il est constaté une expansion matérielle du droit international. Si, traditionnellement, le ius gentium se limitait aux questions de coexistence entre pays, il règle de plus en plus des questions moins centrales. Il en découle que la distinction entre politique intérieure et politique extérieure devient floue, ce qui influence aussi les rapports entre le droit interne des Etats et le droit international. Ainsi, le droit des gens devient un droit entre sujets de droit international public peu sensibles aux soucis des entités infranationales. Il est à noter que la Constitution fédérale prévoit pourtant que la Confédération, compétente pour les affaires étrangères, doit tenir compte des compétences des Cantons et sauvegarder leurs intérêts (cf. art. 54 al. 1 et 3).

En outre, l’auteur souligne que la Cour européenne des droits de l’homme ne s’intéresse pas de savoir si une atteinte avancée est l’objet d’une commune, d’un Canton ou de l’Etat fédéral; seules les Hautes Parties contractantes à la convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 (CEDH), soit les Etats, sont considérées comme autorités intimées. Le rôle des entités fédérées se voit affaibli non seulement parce qu’elles ne peuvent se défendre à Strasbourg que par l’intermédiaire de l’Etat fédéral, mais aussi par l’interprétation dynamique que les juges européens font de la CEDH.

Dans la partie finale de son article, Luc Gonin souligne que le fédéralisme a le souci de favoriser des solutions – également normatives – proches des régions et des personnes concernées et déplore que ce principe d'organisation politique se trouve «à contre-courant manifeste» de l’internationalisation du droit.

Les réflexions de Luc Gonin pourront sans doute éclairer les fédéralistes lorsqu’il sera question, une fois encore, d’adhésion de la Suisse à des institutions supranationales.

Notes:

1      Newsletter IFF 4 / 2024 consultable sur le site de l’Université de Fribourg https://www.unifr.ch/federalism/de/assets/public/files/Newsletter/IFF/GONIN%20Luc%20-%20F%C3%A9d%C3%A9ralisme_v3%20(003).pdf

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