Le Canton contre la cancel culture
L’expression «Canton de Vaud» doit toujours prendre une majuscule à «Canton», sans distinction. Cette règle, déjà en vigueur aujourd’hui lorsqu’on parle de l’institution, devrait aussi s’appliquer lorsqu’il est question du territoire. Telle était la demande formulée par l’ancien député Stéphane Masson dans sa motion intitulée «Rendons au Canton de Vaud sa lettre de noblesse», déposée au Grand Conseil le 2 novembre 2021, puis adoptée par une majorité du Parlement le 23 mai 2023.
Le Conseil d’Etat a ainsi reçu la mission de préparer un décret d’application, lequel a été finalement publié le mois passé. Mais tout en exécutant fidèlement le mandat confié par le Parlement, le Gouvernement en a tout de même profité pour rappeler son opposition de principe à une telle modification. Il plaide pour le maintien de la distinction en vigueur (entre l’institution et le territoire), consacrée par le Guide du typographe romand et par les règles orthographiques actuelles, et appelle une dernière fois les députés à se dédire.
En théorie, l’argumentation du Conseil d’Etat n’est pas dénuée de raison. En pratique, cette argumentation n’est pas pertinente dès lors qu’il est question du Canton de Vaud, dont la grandeur transcende toutes les règles orthographiques ordinaires! C’est pour cette raison que La Nation emploie toujours la majuscule (si les correcteurs font correctement leur travail).
En attendant la décision du Grand Conseil, nous voulons saluer ici le courage exceptionnel du Conseil d’Etat. Plaider pour le respect des règles orthographiques traditionnelles, dans le monde d’aujourd’hui, constitue déjà un acte intrinsèquement conservateur susceptible d’être sévèrement jugé par la corporation des linguistes progressistes et des pédagogues évolutifs. Mais le Gouvernement va plus loin puisque son projet de décret prévoit explicitement que, si la généralisation de la majuscule est finalement adoptée, la nouvelle règle s’appliquera «uniquement aux textes rédigés à partir de la date d’entrée en vigueur» de la nouvelle réglementation, ceci afin de ne pas devoir adapter tous les textes déjà publiés. En d’autres termes, les textes plus anciens, rédigés dans un contexte propre à leur époque et selon des règles propres à leur époque, n’auront pas à être dénoncés, brûlés ou effacés, ni même «contextualisés» ou simplement réécrits. L’article 1 alinéa 2 du projet de décret soumis au Grand Conseil est une véritable déclaration de guerre à la cancel culture!
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Les gargouilles ne sont pas républicaines – Editorial, Félicien Monnier
- Droit international: attention! – Jean-François Cavin
- L’amour des lois règne-t-il aussi dans les caravanes? – Lionel Hort
- Esdras et Néhémie sont de retour – On nous écrit, André Durussel
- Lavaux de A à V – Jean-François Cavin
- Double soumission – Olivier Delacrétaz
- Le fédéralisme menacé par le droit international – Xavier Panchaud
- Occident express 130 – David Laufer
- Un démocrate – Jacques Perrin
- Notre patrimoine bâti – Benjamin Ansermet