Sauf sur l’essentiel

Au carrefour de plusieurs coïncidences, La Nation a choisi de publier six textes concernant le Jura dans la présente édition. Grâce lui soit rendue! Le Jurassien aime se plaindre d’être oublié, relégué, marginalisé, ringardisé et plouquifié par les grands esprits résidant sur les rives du Léman, le pire venant de son extrémité occidentale, il est vrai. C’est tout juste s’il ne s’en vante pas. Il est donc heureux que La Nation verse un peu de baume sur nos plaies, dût notre carrière de victimes en souffrir quelque peu.

A l’encontre de ces préjugés supposés, l’amitié entre La Nation et Le Jura libre a été précoce et durable, car elle était fondée sur un paradoxe qui n’est qu’apparent: les deux journaux divergent sur nombre de sujets, mais jamais sur l’essentiel. Pour les deux, il se trouvait dans la défense inconditionnelle de la personnalité des peuples vaudois et jurassien. Nous disons «personnalité», puisque le mot «identité» est désormais pestiféré.

Ce principe fonde et justifie le fédéralisme, valeur essentielle de la Suisse, refusée au Jura si longtemps. Il conduit aussi à approfondir la connaissance de son être collectif, d’en scruter l’histoire, le langage, la Nature, et de donner la parole aux artistes qui, sachant chanter le particulier, atteignent à l’universel.

L’actualité fluctue, les événements déroutent, les opinions se heurtent parfois. Les hommes ont leurs goûts, voire leurs marottes. Cependant, l’essentiel se trouve dans les valeurs fondatrices, et la souveraineté de l'Etat dans lequel on vit est la première d’entre elles. Nos deux publications l’ont compris et illustré de leur mieux.

C’est pourquoi cet article est rédigé par une personne à laquelle on demandait, dans une poissonnerie de la rue de l’Ale à Lausanne, en plein mois de juin:

– Il y a encore de la neige chez vous?

Ce qui démontre, une nouvelle fois, que l’amitié vraie ne doit dépendre ni de la météo ni de l’air du temps.