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Indéboulonnables?

Jean-François Cavin
La Nation n° 2267 29 novembre 2024

La Cour des comptes a rendu un audit sur la résiliation des rapports de travail dans l’administration cantonale. Elle y examine les pratiques suivies en cas de difficultés, le rôle des divers services intervenant lorsqu’une résiliation est envisagée, la documentation émise par le service du personnel; elle traite aussi des conventions de départ, dont l’usage est général en lieu et place de résiliations par l’employeur. En trois ans (2020-2022), sans tenir compte des résiliations pour justes motifs, il y a eu 9 résiliations ordinaires et 99 conventions de départ!

Le succès de cette formule extra-légale s’explique par la difficulté et la longueur des procédures de licenciement ordinaire. Il faut d’abord un avertissement, qui peut être contesté devant les prud’hommes de l’Etat; puis la résiliation elle-même doit être motivée, hors cas extrêmes, par une «inaptitude avérée» de l’employé; on imagine bien que cette notion, assez élastique, peut donner lieu à d’interminables contestations, l’affaire pouvant bien sûr être portée à nouveau devant les prud’hommes. Et le temps passe, des mois, peut-être une année ou deux, durant lesquelles l’engagement perdure.

Les conventions de départ prévoient le plus souvent le versement d’une indemnité, en sus du traitement dû pendant le délai de congé. Pour les employés de rang inférieur, le montant varie de 1 ou 2 mois à 6 mois. Pour les chefs de service, c’est un montant de 3 à 14,4 mois de salaire, en sus de celui du délai de congé généralement de 6 mois; au total donc, jusqu’à 20,4 mois de salaire!

Les «parachutes dorés» ont mauvaise presse. Il y a eu des scandales, notamment dans le monde bancaire. Ils sont mis en question pour le personnel fédéral, après notamment qu’une haute fonctionnaire a touché quelque 300’000 francs en quittant son poste. Quel est donc l’avis de la Cour des comptes sur ce problème très actuel?

Elle n’en a pas. Son audit se conclut par des recommandations molles: développer la formation des chefs face à ce genre de situation, améliorer les documents, mieux définir le rôle de chacun, «cadrer» la pratique des conventions de départ. «Cadrer», mais sans remettre en cause le système. Tout juste lit-on, à propos des plus somptueuses indemnités prévues pour les chefs de service, la prudente suggestion d’ «analyser si ces conditions […] sont toujours adéquates».

Il ne faut pas exclure la conclusion de conventions de départ, qui peuvent se justifier, en particulier pour les hauts fonctionnaires, quand ils ne déméritent pas, mais que des divergences graves apparaissent entre eux et le chef du département. Les indemnités doivent rester raisonnables, de l’ordre de 6 mois de salaire au maximum. Mais il est anormal que ce procédé devienne la règle pour l’ensemble du personnel et en toutes circonstances.

Il convient donc de prendre le mal à la racine et de modifier les dispositions concernant le licenciement ordinaire. De même que le salarié peut quitter son emploi sans donner de justification, de même l’Etat employeur doit pouvoir congédier un collaborateur sans donner de motif, comme dans l’économie privée. Dans un marché du travail habituellement tendu, il n’y a guère de risque que l’Etat se sépare d’un collaborateur qui accomplit normalement sa besogne. On admettra que la résiliation doive être précédée d’un avertissement, non contestable en tribunal; pour éviter que des «petits chefs» ne se débarrassent de subordonnés sous l’effet de petites rognes, la décision doit être prise à l’échelon supérieur, peut-être après préavis du service du personnel; on observera des dispositions sur le licenciement en temps inopportun et sur la résiliation abusive, analogues à celles du droit privé; mais il faut assouplir le système. Or la Cour des comptes, qui sait à l’occasion planter le bâton dans la fourmilière, se garde de proposer de changer la loi. Le fonctionnaire est intouchable.

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