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Entre nature et culture

Quentin Monnerat
La Nation n° 2267 29 novembre 2024

La gauche «woke» a pour particularité de mobiliser la sociologie, plus particulièrement son école post-structuraliste, pour donner une base scientifique à son idéologie. En réaction, on retrouve parmi la droite réactionnaire un phénomène opposé, qui consiste à mobiliser des théories issues de la psychologie évolutionniste pour démontrer que tout n’est pas que social et que certains comportements sont innés. L’enjeu est de taille: si les comportements sont sociaux, ils peuvent être corrigés pour correspondre à une idéologie du progrès, alors que, s’ils sont biologiques, il faut accepter un certain ancrage dans la nature. C’est sur ces théories qu’a porté une conférence de Monsieur Bruno Lemaitre, professeur de psychologie évolutionniste à l’EPFL.

M. Lemaitre nous a expliqué comment certains déterminismes lourds dans nos comportements sont directement liés à des facteurs biologiques. Il nous a, par exemple, parlé des réflexes quant au choix du partenaire que la sélection sexuelle a retenu chez l’humain. L’effort physiologique demandé à la femme pour allaiter son enfant est trois fois supérieur à celui de la grossesse. Elle est donc naturellement poussée à sélectionner un partenaire qui aura les ressources pour la soutenir. Face à l’incertitude de sa paternité, pour perpétuer son patrimoine génétique, l’homme a tout intérêt à obtenir la fidélité de sa partenaire et à sortir vainqueur de la concurrence, quitte à avoir une tendance au comportement à risque. On voit alors l’intérêt commun des deux sexes pour des relations stables et durables qui caractérisent notre espèce. Les critères de la beauté féminine sont dans toutes les cultures des indicateurs de santé et de fertilité. Les hommes se jalousent leur statut social, les femmes s’envient pour l’attention qu’elles captent, etc.

Ces exemples n’en sont que quelques-uns parmi les multiples autres exposés par M. Lemaitre, et le débat qui se pose immédiatement est celui de l’influence de la culture sur ces comportements. Les sciences sociales sont plus en vogue et apportent effectivement des explications différentes: ce que nous considérons comme naturel serait issu de notre culture et de nos codes sociaux, non exprimés ou inconscients. Il est intéressant de voir certaines opinions politiques validées par une science, que ce soit par la biologie ou par la sociologie. Mais il faut se méfier de «biologiser» ou de «sociologiser» ce qui n’a pas à l’être. Il est bon de reconnaître que tous les comportements ne sont pas uniquement sociaux ou culturellement construits, mais peuvent découler de déterminismes plus profonds et plus lourds tels que la biologie.

Mais ce qui nous distingue des autres espèces est notre capacité à résister à ces tendances naturelles, à être conscient des options politiques, culturelles, comportementales qui s’offrent à nous. Au final, le vrai débat est de savoir où mettre le curseur entre nature et culture. A ce propos, M. Lemaitre termine sur une nuance précieuse: plus une société est homogène et plus les déterminismes biologiques comptent, alors que ce sont les déterminismes socioculturels qui pèsent le plus dans une société hétérogène. Plutôt que de privilégier soit la nature, soit la culture comme explication des comportements, il faut chercher dans chaque situation le facteur le plus pertinent, et ne pas oublier l’influence ni de l’un ni de l’autre.

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