La liberté et la démocratie grâce au dioxyde de carbone
Notre monde est devenu compliqué à comprendre. Il y des guerres injustes, qu’on nous demande de condamner, et des guerres justes, qu’on nous demande d’applaudir. Il y a de bons bombardements et de mauvais bombardements. Il y a des victimes sur lesquelles on nous demande de pleurer (pendant deux ou trois jours, ça suffit) et d’autres dont tout le monde se contrefiche (parce que leur malheur, dans des pays que nous ne savons pas situer sur une carte, n'affecte pas notre confort physique et moral). Il y a aussi des guerres au statut encore indéterminé, que les élites médiatiques et politiques observent avec circonspection en attendant qu’un récit moral parvienne à s’imposer.
La seule réalité aisément compréhensible, donc, est qu’aujourd’hui à peu près tout le monde rêve d’occire à peu près tout le monde, pour des causes invariablement proclamées justes.
Mais il y a autre chose qui devient très compliqué à suivre: c’est la politique climatique. Il y a très peu de temps encore, il était communément admis que, si vous vous rendiez à Londres (environ 900 kilomètres) à bord d’un petit Airbus A-220, vous détruisiez la planète. Maintenant, si vous envoyez quotidiennement des flottes de F-15, F-16, F-35, B-2 et autres missiles de croisières à des milliers de kilomètres, en renonçant délibérément à l’usage du vélo-cargo ou du train de nuit, on vous félicite de sauver le monde. Comme si le CO2, autrefois ennemi public numéro un, était soudain devenu freedom-friendly. (A moins qu’il ne faille faire une distinction entre le CO2 destiné au bien-être humain, qui esquinte la couche d’ozone précisément parce qu’il est destiné au bien-être humain, et celui destiné aux massacres et destructions de toute sorte, agréé par le GIEC puisqu’il contribue à la noble cause de lutter contre la surpopulation mondiale.)
De fait, le grand retour du CO2 semble constituer une tendance de fond, qui ne se limite pas aux seuls armements du Camp du Bien. Des articles de la presse internationale nous apprennent que le fameux flygskam – la honte suédoise de prendre l’avion (rien à voir avec les rideaux de chez Ikea) – serait en perte de vitesse et que même les Nordiques redécouvrent que voler en Airbus est plus pratique que ramer en drakkar. Cette déculottée magistrale infligée à l’éco-anxiété a trouvé sa consécration au moment où notre jeune héroïne Greta Montagne-de-Thunes a dû interrompre sa croisière en voilier et se laisser rapatrier en avion! La presse a publié une photo d’elle, ceinture bouclée en attendant le décollage, et son air boudeur a apporté une parenthèse d’hilarité au milieu des autres nouvelles du monde.
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Droit de vote communal – Editorial, Félicien Monnier
- Le chef et la dignité de ses hommes – Quentin Monnerat
- La Via Valdensis – Antoine Rochat
- Imposition individuelle: vers un référendum? – Jean-Hugues Busslinger
- … et un référendum des Cantons? – Olivier Klunge
- † Michel Haldy – Jean-François Cavin
- Irréalité du service civil – Olivier Delacrétaz
- Des déchets dans l’âme – Yannick Escher
- Europhilie Veveysanne – Félicien Monnier
- Les méchants sont partout, les bons aussi – Jacques Perrin